Ce révolutionnaire tranquille, ennemi du désordre, du vacarme et de la poussière, a entrepris de mettre les choses à leur vraie place poétique, sans esclandre. De 1916 à 1918, il fit ses études à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. Il travailla ensuite comme dessinateur dans une usine de papiers peints, et composa des tableaux abstraits. En 1922, il se maria avec une amie d'enfance, Georgette Berger, qui sera toute sa vie sa compagne dévouée. Dès le jour où il aperçut la reproduction du Chant d'amour de Chirico, sa conception de l'art changea ; il souhaita faire à son exemple des associations imprévues d'objets et de personnages. Il publia en 1925 et 1926 avec E. L. T. Mesens les revues Œsophage et Marie, qui reflétè-rent les idées nouvelles du surréalisme. À partir de 1926, il put se consacrer entièrement à sa peinture, grâce à l'appui de la galerie Le Centaure. Il vint vivre en France de 1927 à 1930, s'installa au Perreux, dans la banlieue parisienne, et fut assidu aux réunions des surréalistes à Paris. Durant ce séjour, il créa de nom-breuses oeuvres, quelques-unes de grand format, participa à une exposition collective du surréalisme à la galerie Goemans en 1928, et collabora à La Révolution surréaliste. Troublé par les attaques de ses amis contre l'évolution de Chirico, il ne le prit plus pour modèle, chercha à approfondir son propre style, et trouva ainsi sa voie. De retour à Bruxelles, Magritte devint l'âme du groupe surréaliste belge, comprenant entre autres les poètes Marcel Lecomte et Louis Scutenaire, les théoriciens Paul Nougé et Marcel Mariën. Il développa métho-diquement une imagerie analogique, fondée sur une observation minutieuse de la réalité, et s'appliquant à la résolution de problèmes intellectuels ; par exemple, Le Mouvement perpétuel (1934, Londres, Grosvenor Gallery), où un hercule forain soulève un haltère dont une boule est sa propre tête, ou Le Thérapeute (1937), un homme assis dont le corps est une cage d'oi-seau, font partie d'une suite d'exercices tendant à nier l'évidence par son contraire. De 1940 à 1946, Magritte connut une période « impressionniste », avec un parti pris d'optimisme dû au souci d'effa-cer les sombres années de la guerre ; il voulut exclure de sa peinture tout ce qui serait « tristesse, ennui, objets menaçants », n'y garder que « charme, plai-sir, soleil, objets de désir ». Il sortit heureusement d'une telle impasse pour revenir à ses préoccupations habituelles qu'il traita avec une rigueur accrue. De là date la floraison de ses tableaux les plus inquiétants, comme La Philosophie dans le boudoir (1947) ou la série des cercueils anthropomorphes commençant avec Le Balcon de Manet (1950, Gand, musée des Beaux-Arts). Il décora le casino de Knokke-le-Zoute d'une importante fresque, Le Domaine enchanté (1951-1953), et réunit le meilleur de sa production dans une rétrospective au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en 1954. Sa renommée grandit au point que son exposition à Paris en 1964, galerie lolas, eut un succès éclatant. Il écrivait dans le catalogue : « Il faut ignorer ce que je peins pour l'associer à une symbolique naïve ou savante. D'autre part, ce que le peins n'implique aucune suprématie de l'invisible sur le visible : celui-ci est assez riche pour former le langage poétique, évocateur du mystère de l'invi-sible et du visible. » Peu de temps avant sa mort, il fit exécuter en bronze huit sujets de ses tableaux.
Né en 1898 à Lessines, Belgique, mort en 1967 à Bruxelles.
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