Le Picasso qu'admirèrent les surréalistes, ce n'est pas l'enfant exceptionnellement doué du professeur de dessin José Ruiz Blasco dans son activité pré-coce, ni l'auteur de la « période bleue » (1901-1904), ni celui de la « période rose » accomplie dès son ins-tallation en 1904 au Bateau-Lavoir, rue de Ravignan : c'est l'ami d'Apollinaire, le puissant protagoniste du cubisme qui a dissocié les formes, et a décidé de ne pas accepter la réalité telle qu'elle est. Paul Éluard, se faisant l'interprète de ses amis, a dit : « Cet homme tenait en main la clef fragile du problème de la réa-lité. Il s'agissait pour lui de voir ce qui voit, de libé-rer la vision, d'atteindre à la voyance. Il y est par-venu. » Certains tableaux de la période cubiste de Picasso, comme la Jeune Fille à la mandoline (1910), L'Homme à la clarinette (1911-1912), La Femme aux seins dorés (1913), annoncèrent pour les surréalistes le début d'une nouvelle ère plastique. Après sa « période ingresque », Picasso s'est intéressé de lui-même au surréalisme dès sa naissance, admirant Breton dont il a fait le portrait en frontispice de Clair de terre (1923), collaborant à La Révolution surréaliste, assistant aux réunions de café, peignant des oeuvres où semblent surgir des figures de l'inconscient. Sa période typiquement surréaliste se situe de 1928 à 1932, et comporte par exemple la série des Baigneuses sur la plage, qu'il exécute à Dinard. Ensuite d'autres créations, comme ses reliefs au sable de 1933, par-ticipèrent encore d'un esprit surréaliste ; ce sera Guernica en 1937 qui marquera le tournant de son évolution. Il montrera parfois, en écrivant par exemple Le Désir attrapé par la queue (1943), qu'il n'avait pas désavoué l'inspiration surréaliste. Cependant, l'homme qui fit les peintures mythologiques du musée d'Antibes, celui qui dès 1948 s'adonna à la céramique à Vallauris, celui qui peignit à Cannes la suite des Ateliers (1955- 1956) et près de cinquante toiles d'après les Ménines de Vélasquez, celui qui grava sur linoléum des corri-das, celui qui multiplia les natures mortes et les por-traits, put avoir des libertés et des audaces admi-rables, mais elles restèrent toujours en deçà de ce que réclame le surréalisme. Breton l'a constaté : « Ce qui durablement a fait obstacle à une plus complète unification de ses vues et des nôtres réside dans son indéfectible attachement au monde extérieur (de « l'objet ») et à la cécité que cette disposition entretient sur le plan onirique et imaginatif. »
Né en 1881 à Malaga, mort en 1973 à Mougins.
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