Il a été élève, puis enseignant de l'École des beaux-arts de Montréal, dont il fut renvoyé pour quelques mois en juin 1945 à cause d'un esclandre qu'il fit pour défendre le surréalisme contre des collègues conservateurs. En octobre 1948, en compagnie de sa femme Mimi Parent, il partit s'installer à Paris. Tout en suivant les cours du musée de l'Homme, il fit des dessins sadiques et composa un costume de cérémonie pour honorer le marquis de Sade, en vue de le revêtir dans un rituel de son invention. Il voulait se créer un « art du corps » impliquant des performances inouïes en se servant de la peinture, de la sculpture et de la poésie. André Breton, après lui avoir rendu visite, l'invita à participer à l'Exposition InteRnatiOnale du Surréalisme « E.R.O.S », à la galerie Daniel Cordier. La veille du vernissage, le 2 décembre 1959 à 22 heures, dans l'immense appartement de Joyce Mansour, 1 avenue du maréchal Manoury à Paris, devant une centaine d'invités, Jean Benoît apparut portant un masque s'élevant à un mètre de haut sur sa tête, des panneaux d'homme-sandwich parsemés d'ovules et de spermatozoïdes, des chaussures « anti-eurythmiques » (faisant un bruit strident du pied droit, un bruit sourd du pied gauche, grâce à des klaxons dans les semelles) et s'avança sur des béquilles, en traînant un chariot symbolisant un tombeau roulant, tandis qu'un haut-parleur faisait retentir les bruits d'un volcan en éruption, suivis de la voix d'André Breton lisant le testament de Sade. Une jeune femme blonde en robe noire - Mimi Parent - déshabilla Jean Benoît pièce par pièce jusqu'à ce qu'il fût nu, le sexe gainé dans un grand phallus en bois d'où sortaient cinq fleurs. Dans un brasero, il saisit un fer à pommeau phallique rougi à blanc, et se l'appliqua au-dessus du sein gauche, à l'endroit où il s'était dessiné un aigle à deux têtes dans une étoile ; il se marqua ainsi la peau des lettres SADE, et disparut. Pour cette Exécution du testament de Sade, sa peinture eut un but pratique il dessina tous les détails de son costume pour le rendre extraordinaire, et en étudia la couleur de façon qu'elle atteigne toute son intensité à la lumière du soleil couchant. La réalisation suivante de Jean Benoît fut son Costume du Nécrophile (1962), conçu d'après le sergent Bertrand, fameux nécrophile qui déterrait les cadavres de femmes pour les violer et qui fut condamné en 1848. Ce costume comportait une collerette de trente-neuf tombes gravées aux noms de libertines célèbres (Messaline, Ninon de Lenclos, Pauline Borghèse, etc.) et une cape aux motifs de moellons pour ressembler à un mur de cimetière. Au dos de cet habit il y avait un blason avec cette phrase : « Mort, la vie te guette. » Ceint d'une chaîne garnie d'outils de fossoyeur, le visage maquillé en tête de mort à la bouche ensanglantée, Jean Benoît inaugura ce costume au vernissage de la XIe Exposition internationale du surréalisme, « L'Écart absolu », à la galerie L'CEil, à Paris, le 7 décembre 1965, comme le raconta Philippe Audouin : « Extatique, il se frayait un chemin dans une foule compacte, ouvrant par intervalles une bouche dont l'intérieur, d'un rouge ardent, accentuait la fascination scabreuse de l'apparition. » Outre ses exhibitions publiques ou privées, Jean Benoît a créé des images peintes, des sculptures, des objets et des reliures-emboîtages. Il a fabriqué Le Bouledogue de Maldoror (1966), fait en gants de cuir de femme, avec l'échine recouverte de tessons de bouteille. Il dota ce chien de son propre sexe en érection et des yeux d'André Breton, qu'il dessina après les avoir examinés attentivement. Il a façonné une série de cannes aux pommeaux en forme de phallus courbes surchargés d'ornements érotiques. Il prit plaisir à les arborer dans des jardins publics pour scandaliser les passantes. Sa première exposition à soixante-quatorze ans, à la galerie 1900-2000 à Paris, en octobre 1996, montra des pièces qu'ignoraient même ses plus proches amis. Son œuvre principale est une série de seize rouleaux-manuscrits où il raconte ses expériences sexuelles avec ses maîtresses, en les illustrant de dessins et de menus objets collés (plumes, fleurs séchées, étiquettes). Il a construit douze étuis pour contenir ces rouleaux, - l'un d'eux s'intitulant le Mât de cocagne tant il est décoré -, sur le modèle de ceux que Sade demandait à sa femme de lui apporter à la Bastille. Jean Benoît a composé maintes gouaches sous forme de lettres à des femmes qu'il admirait (Élisa Breton, Annie Le Brun, Marie-Françoise Lely), constituant une belle imagerie de l'amitié amoureuse. Il est l'exemple d'un artiste singulier, qui n'a pas fait ses peintures et ses objets pour les vendre (il eut néanmoins des collectionneurs), mais pour en agrémenter sa vie quotidienne.
Né en 1922 à Québec, Canada.
Le Bouledogue de Maldoror, 1965
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