Pour obéir à la volonté de son père qui était ingénieur et voulait lui imposer ce métier, Bellmer dut travailler dans une mine de charbon, puis dans une aciérie, avant de s'inscrire en 1923 à la Technische Hochschule de Berlin. Il ne tarda pas à abandonner ses études, afin de se livrer tout entier à sa passion du dessin. Il s'initia à cet art auprès de George Grosz, et travailla comme typographe aux éditions Malik, réalisant aussi des illustrations et des couvertures de livres. En 1927, devenu dessinateur en publicité industrielle, il se maria et ouvrit une agence à Berlin-Karlshorst. Diverses circonstances - la découverte d'une caisse contenant ses jouets d'enfant, une représentation des Contes d'Hoffmann mis en scène par Max Reinhardt - l'incitèrent à inventer une « fille artificielle ». En 1933, décidant d'interrompre toute activité utile à l'État pour protester contre le nazisme, il entreprit la construction de cette poupée, avec l'aide de sa femme, de son frère et d'une petite cousine ; quelques manches à balais assemblés et articulés composèrent son squelette. Il la photographia en différentes positions, développa à son sujet une mythologie qu'il exprima dans un livre publié à compte d'auteur. Ces photos enthousiasmèrent les surréalistes, qui présentèrent sa Poupée en 1935 dans Minotaure. Bellmer poursuivit ses recherches, dans le but de recréer l'anatomie de la femme, fabriqua en 1937 une seconde Poupée comportant une « boule centrale » autour de laquelle gravitaient sa tête et ses membres ; cette nouvelle créature inspira une suite de poèmes à Éluard, accompagnant un album de photos en couleur, Les Jeux de la Poupée. Après la mort de sa femme Margarete en 1938, Bellmer quitta Berlin pour s'installer à Paris. En 1940, comme citoyen allemand, il fut interné au camp des Milles, près d'Aix-en-Provence ; relâché, il jeta en 1941 son passeport dans un égout à Castres, se réfugia à Toulouse et se remaria avec une Française qui lui donna deux filles. Séparé de sa femme, il revint se fixer en 1946 à Paris, où il élabora désormais toute son œuvre, diffusée par les revues et les expositions du surréalisme. Dessins, gravures et gouaches se succédèrent, d'un érotisme pathétique, traduisant une conception savante de l'image qu'il a définie dans son écrit Petite Anatomie de l'inconscient physique ou l'Anatomie de l'image (Le Terrain vague, 1957). Durant son union avec Unica Zürn, le caractère dramatique de ses trouvailles s'accentua. Bellmer a illustré de nombreux livres, parmi lesquels Jules César de Joyce Mansour (1958), Madame Edwarda de Georges Bataille (1965), Dialogues de Joé Bousquet (1967), les Marionnettes de Kleist (1969). Ses expositions confidentielles - comme celles qu'il fit en 1963 chez Daniel Cordier à Paris et en 1967 chez Wolfgang Ketterer à Munich -, ses travaux rares et secrets, lui ont assuré une réputation semi-clandestine ; il fallut attendre la rétrospective que lui a consacrée le CNAC en décembre 1971 à Paris pour qu'un hommage lui soit rendu par un organisme officiel. L'importante exposition « Bellmer : anatomie du désir », qui se tint en mai 2006 au centre Georges-Pompidou, fut transférée en juin au cabinet d'Art graphique de Munich où elle connut autant de succès. Mais dès sa présentation à la Whitechapel Art Gallery de Londres, à partir du 18 septembre, elle provoqua les réclamations du public, et l'on dut en retirer les pièces qui faisaient scandale, tant les audaces de son art sont troublantes, malgré ses raffinements de dessinateur génial.
Né en 1902 à Katowice, Silésie, mort en 1975 à Paris.
Les Jeux de la poupée, Photo main-teintées, 1949
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