À quatorze ans, il peignit son premier tableau : une copie du Garçon bleu de Gainsborough dont il remplaça le visage par le sien. La même année, il commença à pratiquer la photographie comme un Professionnel. Après son baccalauréat, il se perfec-tionna en peinture dans l'école libre d'Aba-Novàk et fit avec succès une exposition en 1936 à la galerie Tamàs de Budapest. Il dessinait tous les jours et par-tout, même dans l'autobus. On qualifia ses graphismes de « modernité légère ». En 1938, il reçut un choc décisif en assistant à l'interprétation, par Béla Bart& et sa femme, de la Sonate pour deux pianos et per-cussion à l'Opéra de Budapest. « C'est alors que j'ai compris que je n'étais pas mon propre contempo-rain ! » a-t-il dit. Voulant transférer dans la peinture le polytonalisme de Bartek, il dessina avec des lignes dissociées, des grattages, des traînées de plume ou de pinceau, des traits écrasés. Ses architectures fan-tastiques, ses conglomérats de corps humains, ses alphabets faits de femmes disloquées, furent compa-rables à des sonatines graphiques. Il partit pour Paris où il partagea un atelier rue Schoelcher avec son ami le sculpteur Lajos Barta ; fréquentant la galerie Jeanne Bucher, c'est sans doute là qu'il fit la connais-sance de Max Ernst et de Tanguy. Pendant l'Occupation, pour éviter les tracasseries de la police vichyssoise, il dut quitter Paris précipi-tamment en mars 1943. À Budapest, il fonda avec Imre Pan le mouvement Eurôpai Iskola (École euro-péenne), groupe d'artistes et d'écrivains dont les réunions se tinrent dans son atelier. Il collabora à plusieurs expositions collectives, et fit encore une exposition personnelle en 1948, juste avant la disso-lution de l'École européenne. Sous le régime commu-niste n'autorisant que le réalisme socialiste, Rozsda eut le plus grand mal à se procurer du matériel de peinture. Il gagna sa vie en illustrant des couvertures de livres pour enfants.
Après l'échec de l'insurrection hongroise de 1956, Rozsda s'exila définitivement à Paris. Il proposa ses tableaux à Simone Collinet, qui les exposa en février-mars 1957 dans sa galerie Furstenberg, avec un cata-logue où André Breton disait : « Ici se mesurent les forces de la mort et de l'amour ; la plus irrésistible échappée se cherche de toutes parts sous le magma des feuilles virées au noir et des ailes détruites. »
Les tableaux de sa maturité représentent une réa-lité éclatée, dont les fragments colorés s'assemblent comme au hasard, s'accumulent ou s'entassent sur la surface de la toile en ne laissant aucun interstice entre eux ; même les blancs y sont des éléments de soudure et contribuent à donner l'impression d'un espace plein, quoique morcelé. En 1964, Rozsda reçut le prix de la fondation William Copley en Californie, décerné par un jury comprenant Marcel Duchamp et Max Ernst. En 1979, il s'installa au Bateau-Lavoir à Montmartre, après avoir acquis la nationa-lité française. Il fut lié avec Raymond Queneau et Joyce Mansour, incarnant l'humour noir et l'érotisme du surréalisme. Son tableau Initiation fut réalisé en tapisserie par la manufacture des Gobelins et pré-senté en 1983 au Mobilier national. Jusqu'à la fin de sa vie, il participa régulièrement à des expositions surréalistes, tant à Milan qu'a Francfort. Malgré une maladie de Parkinson restreignant ses gestes, chaque jour il se faisait apporter une feuille de papier pour y tracer des signes. Le Cabinet graphique du musée des Beaux-Arts de Budapest organisa en 2001 une rétrospective de ses dessins qui fut une révélation, comme la rétrospective de ses photos en 2004, dans le même lieu. Car Rozsda fut triple : peintre, dessinateur et photographe, totalement différent en chacune de ces activités.
Né en 1913 à Mohàcs, Hongrie, mort en 1999 à Paris.
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