Elle étudia la peinture à l'Union centrale des arts décoratifs de Paris et dans l'atelier du peintre cubiste André Lhote, auteur d'un Traité du paysage. Elle sui-vit ensuite l'enseignement de l'École de photogra-phie de la Ville de Paris, et devint photographe de profession, ouvrant en 1931 un studio à Neuilly avec Pierre Kéfer. Elle photographia d'abord les vues du Mont-Saint-Michel, des scènes de rue à Barcelone, des mannequins de mode pour le couturier Jacques Heim, et des nus pour la revue galante Secrets de Paris. Après une brève liaison avec Georges Bataille fin 1933, elle participa activement au surréalisme. Ses photos sont irremplaçables dans l'histoire du mou-vement : celle des membres du groupe aux fenêtres du Sphinx-Hôtel, l'« action surréaliste » de Benjamin Péret et de Wolfgang Paalen sur le seuil de la gale-rie Gradiva, ses portraits d'André Breton (toujours de profil), de Jacqueline Lamba (dont une série où elle est assise nue sur son lit), de René Crevel, d'Yves Tanguy, de Leonor Fini, etc. Sa photo 29 rue dAstorg (adresse de son studio dès 1934) fit partie des « cartes postales surréalistes » éditées par Georges Hugnet. Elle fit en 1934 à la galerie de Beaune une exposition, dont le catalogue fut préfacé par Paul Gilson. Le 3 avril 1934, André Breton, parti réaliser une mani-festation avec le groupe surréaliste tchécoslovaque, lui écrivit : « De Prague, les surréalistes vous adres-sent l'hommage de leur admiration et de leur affec-tion (ici très grand succès). » Dora Maar signa le tract collectif Du temps où les surréalistes avaient raison, et fit sensation aux expo-sitions surréalistes de Santa Cruz de Tenerife en 1935 et de Londres en 1936 avec sa photo Le Simulateur (un personnage se convulsant dans une salle de château à l'envers) et son Portrait d'Ubu (dont ie visage était un foetus de tatou). Belle et élégante. elle séduisait tout son entourage, comme en témoi-gna Marcel Jean : «Un jour de l'année 1936. Dora Maar arriva au Café Blanche les cheveux tombant sur le visage et les épaules de quelqu'un qu'on aurait rescapé d'un naufrage. À la table des surréalistes, tous, ou à peu près, exclamèrent leur admiration. »


C'est à Mougins, l'été 1936, que commença la liaison de Dora Maar et de Picasso, qui s'y trouvait avec Man Ray et les Penrose. Son premier tableau inspiré par elle date du 10 août 1936. Elle trouva pour lui l'atelier du 7 rue des Grands-Augustins où, de mai à juin 1937, elle photographia tout le processus de sa création de Guernica. Elle réalisa des clichés-verre et des photogrammes avec Picasso, et se remit à peindre sous son influence. Cependant, leurs rapports furent tourmentés, et il peignit son extraordinaire série de La Femme qui pleure parce qu'il la faisait souvent pleurer. En 1939, ses portraits d'elle furent de plus en plus monstrueux (jusqu'à La Femme se peignant de juin 1940), et en janvier 1941, il écrivit sa pièce Le Désir attrapé par la queue en lui destinant le rôle de l'Angoisse maigre qui s'écrie dans la première scène : «Ah ! que je m'ennuie... ». Il était éprouvant pour elle, dont la beauté singulière séduisait ses proches, d'être ainsi défigurée, fût-ce pour accomplir des chefs-d'oeuvre. Picasso sculpta d'elle une tête clas-sique pour compenser l'impression de cruauté men-tale qu'elle ressentait devant les tableaux où il la déformait. Dès qu'il fit la connaissance de Françoise Gilot, en mai 1943, Picasso délaissa Dora Maar, qui sombra alors dans une dépression nerveuse néces-sitant son internement à Sainte-Anne. Paul Éluard s'occupa d'elle et la confia à Jacques Lacan. Remise, elle s'adonna exclusivement à la peinture, faisant une exposition de ses tableaux à la galerie Jeanne Bucher en 1944, une autre chez Pierre Loeb en 1946. Se retirant en 1954 dans la maison de Ménerbe (Lubéron) que lui avait offerte Picasso, Dora Maar chercha les secours de la religion et entra dans une période de mysticisme. Sa première rétrospective fut organisée en 1995 à la fondation Bancaixa de Valence (Espagne). Mais c'est la grande exposition « Dora Maar, Bataille, Picasso et les surréalistes » en 2002, aux Galeries de la Vieille Charité de Marseille qui a fourni, avec son catalogue détaillé, le pano-rama complet de son activité dans le surréalisme. 


Dora Maar

Née en 1907 à Paris, morte en 1997 à Paris.

Picasso, Portrait of Dora Maar, Huile sur toile, 1937