Après une enfance écoulée à Charmes, où ses parents étaient horticulteurs, il commença en 1905 des études de peinture et de modelage à l'École des beaux-arts d'Amiens : il y reçut une solide formation classique, et fit quelques tableaux dans la manière impression-niste, comme Paysage au vieux mur (1907). À la même époque, il donna des illustrations à des jour-naux régionaux tels Notre Picardie et Le Chambard. Le premier tableau caractéristique de son style fut Le Palais des Merveilles (1907), parade foraine exhi-bant des femmes aux costumes « érectiles » autour d'un bonimenteur. Ensuite, il cessa pendant long-temps de peindre, devenant en 1912 dessinateur de mode pour catalogues, et en 1920 maquilleur-retoucheur de mannequins publicitaires, métier qu'il exercera jusqu'à sa retraite. En 1930, il revint à la peinture avec Remembrance, un « tableau anti-tout » qui, exposé au Salon des Artistes et Écrivains Révolu-tionnaires, fut admiré par les surréalistes qui comptè-rent désormais Trouille comme un des leurs. Il assista fréquemment aux réunions du groupe parisien, et figura plusieurs fois André Breton dans sa peinture sous les traits d'un moine pervers ou d'un terroriste. Peignant le dimanche, dans sa maison des ButtesChaumont, reprenant d'année en année les mêmes tableaux pour les améliorer.
Trouille a créé un univers anarchiste, antimilitariste et anticlérical, où des nonnes fument et dansent le french cancan, des héroïnes de ciné-roman sont précipitées dans des orgies et des drames passionnels. Son envoi annuel aux Indépendants ou aux Surindépendants lui valait tou-jours un succès de scandale. Cet artiste curieux, qui a voulu réaliser des tableaux « impopulaires », peints « avec des charbons ardents », a déployé une ima-gerie aux enluminures intenses dans le but d'impo-ser « une certaine idée de faste pictural par la cou-leur qui exalte les formes ». Son érotisme, le plus souvent rehaussé d'humour macabre, s'est épanoui dans ses trois tableaux Mes Funérailles (1940), Mon Enterrement (1945), Mon Tombeau (1947). Il a déclaré : « Mon oeuvre est un chant d'amour à la femme, qui m'a tant manqué dans ma jeunesse (refoulement)... Cependant je ne me suis jamais roulé dans la Porno-graphie. Je suis toujours resté sur le plan, unique-ment, de la suggestion. » Il reçut le ler mai 1960 la Médaille d'Honneur du Travail, et un diplôme commé-morant trente-cinq années de service dans la même entreprise. En mars 1963, âgé de soixante-quatorze ans, il exposa une trentaine de tableaux à la galerie Raymond Cordier à Paris : c'était la première fois qu'il consentait à faire une exposition particulière. Il a été connu du grand public en 1970, à l'occasion de la revue nue Oh Calcutta, dont le titre fut emprunté à celui d'un de ses tableaux.
Né en 1889 à La Fère, mort en 1975 à Neuilly-sur-Marne.
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